jeudi 28 juin 2012

'' Les invisibles ''


« Dis, maman, pourquoi je suis pas un garçon ? »

Pour beaucoup de personnes dans mon cas, il s'agit d'une (parfois de la première) question que l'on pose à nos parents. On sent déjà que notre corps ne nous convient pas, que quelque chose cloche, avec pourtant tout plein d'espoir et l'intime conviction que la prière et l'espérance puisse nous aider.. Même si à cet âge, si jeune soit-il, mettre un nom sur notre souffrance n'est pas du tout une évidence.

L'enfance, début du questionnement donc. Puis vient la puberté, avec son lot de mauvaises surprises. Pour nous, les règles et la poitrine. Dans mon cas, 10 ans … règles précoces et bonnet C. Incompréhension totale et rejet envers son propre corps. Des remarques des parents disant qu'une fille est faite pour avoir ces deux « machins » (que j'appelle tumeurs), sur le torse. Gros blocage et essai de faire avec, mais ce n'était juste pas possible. Me rappelle une anecdote où j'avais 8 ans, et me baladais dans le jardin. Rien n'était encore visible, mais je me suis bien fait pourrir par mes vieux parce que une « fille ne doit pas faire ça ». J'en ai pleuré longtemps, très longtemps, parce que je comprenais pas pourquoi on me le disait, surtout que comme je le répète, RIEN n'était visible encore.

Pourquoi moi ? Pourquoi mon développement ne s'est-il pas fait comme pour les autres garçons. Paraîtrait que je suis une femelle... Mouais … Gros handicap quand on se sent ptit mec depuis toujours, tu trouves pas ?

Adolescence, plus ou moins grande période de souffrance et de mise en danger de sa propre personne, peut-être dans l'espoir que la vie soit courte et que l'on n'aie plus à souffrir de ce corps qui n'est pas le notre.

Finalement, petit coup de pouce du destin. Une rencontre, une discussion. L'espoir renaît. Il existe un parcours médico-psychiatrique possible pour une « transformation » physique, puis un parcours judiciaire pour enfin se faire reconnaître tel que l'on est et a toujours été au plus profond de soi par les tribunaux, homme dans mon cas. Premiers achats de t-shirts compressifs, et la renaissance est immédiate. Un véritable bonheur.

Premier stress, premier coup de téléphone : le psychiatre. Il est présent pour vérifier qu'aucune pathologie psychiatrique délirante n'est présente. Puis, au bout d'un nombre variable de séances, délivre l'attestation pour que l'on puisse commencer la réassignation hormonale, le tout sous suivi endocrinologique poussé.

J'en suis pour le moment à cette étape. Mais devraient suivre deux opérations chirurgicales, mammectomie (autrement appelée mastectomie) et hystérectomie. Une fois le côté chirurgical terminé, on passera au côté juridique pour engager la procédure de changement d'état-civil.

Ah, oui, petit détail à la con. Parce que je bénéficie d'une ALD pour me faire rembourser au mieux tous les soins, je suis encore considéré comme un malade mental grave par la société. Alors que le psychiatre n'a rien décelé d'autre que seul la thérapie hormono-chirurgicale pouvait me venir en aide.

C'est ma petite histoire, mon parcours de vie. Comme celui de beaucoup d'autres personnes.
Cordialement, un FTM invisible.

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